"La sculpture s’installe dans le même milieu que celui qui la contemple. Chaque pas de l’observateur, chaque heure du jour, chaque lampe qui s’allume, engendre à une sculpture une certaine apparence, toute différente des autres." (Paul Valéry)

Recyclage Surcyclage

À une époque où le développement durable est devenu une priorité absolue, la Fondation Villa Datris (l’Isle-sur-la-Sorgue) a choisi d’explorer le recyclage sous toutes ses formes dans la sculpture contemporaine. Malgré les récents efforts dans la gestion des déchets, ces derniers continuent à envahir le monde. Utilisés dans les pratiques artistiques, ils deviennent matières à penser : « Dis-moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es. »

Dans la villa comme dans les jardins de la Fondation, une centaine d’œuvres nous incitent à nous interroger sur la société de consommation et la place de l’humanité sur notre planète.

L’intérêt pour le recyclage, dans l’histoire de l’art, est relativement récent. Il apparaît au XXème siècle : dès les années 1950. L’Europe se reconstruit et se restructure avec l’accélération de l’industrie et de la consommation. Tour à tour, fascinés et critiques du nouveau monde qui se forme sous leurs yeux, les artistes interrogent avec une acuité particulière, notre relation aux objets.

Plastiques, métaux, béton… Ces matériaux artificiels forment désormais nos paysages et notre quotidien, entraînant une forte production de déchets. Entre constat et dénonciation, les artistes témoignent de cette rupture avec la nature. Ainsi, l'idée (chez Bordalo II) "est de créer des images de la nature avec ce qui la tue" (Bordalo II, Half ring tailed lemur, 2020).

Liés à notre vie, dont ils font partie intégrante, les objets sont des compagnons ou des signes ; ils sont chargés de sens et souvent d’histoires personnelles (Julia Maria Lopez Mesa, In Tissu, 2020). Certains y voient des traces de vie, des gestes, des procédés, des souvenirs qu’il faut conserver pour les générations futures. Ils cristallisent notre identité et notre culture : « Évitons de jeter ce que nous ne voulons pas nous représenter. »

Extrait de son contexte et exposé, un objet prend la signification que l’artiste a choisi de lui conférer : portrait, corps, fragments de vie (Jean-René Laval, Mr Propre, 2012) … Pour refléter la société, il faut renouveler les pratiques. Inspirés par le « ready-made » de Marcel Duchamp (un urinoir métamorphosé en fontaine, 1917), les artistes contemporains n’hésitent plus à utiliser des objets manufacturés ou des matériaux utilitaires pour représenter notre société (Bertrand Lavier, Arex, 2019).

Par conviction ou par choix, ils utilisent les déchets comme matériaux artistiques à part entière, renonçant à l’acquisition de matériaux dit « nobles » pour créer ou composer leurs œuvres. Ces déchets (rebuts ou détritus), ces objets laissés pour compte et rejetés par le flux de la société moderne de consommation et de production industrielle, retrouvent un emploi, une utilité, une identité (Konrad Loder, Iris, 2002-2012). 

Ces matériaux dits « pauvres » permettent ainsi de valoriser l’acte et le propos de l’artiste plutôt que l’esthétisme de l’œuvre. Les artistes y trouvent une source d’inspiration pour enclencher un nouveau cycle de vie et (re)créer un monde imaginaire où un nouveau destin peut advenir, que l’objet soit transformé ou non (Guillaume Cabantous, Quetzalcóatl, 2018). À y regarder de plus près, tout n’est que fiction (Benjamin Sabatier, Étai VI, 2012).

Les artistes glanent, choisissent, ordonnent les déchets en sculptures-tableaux (Moffat Takadiwa, Party Regalia, 2019). Ils jouent avec les codes esthétiques de la vente, des emballages attractifs aux rayonnages des supermarchés, pour dépeindre les nouveaux paysages de notre société (Pascale Mijares, Rythme et décadence, 2010).

Certains puisent dans le vocabulaire de la mobilité, qui domine encore notre quotidien. D’autres cherchent au contraire à reproduire le geste de l’artisan : faire l’éloge de la lenteur. Quand d’autres encore vont choisir des objets de plaisir liés à l’enfance ou aux loisirs (André Pharel, Temps libre, 2015) pour en révéler leur face cachée.

Lampedusa Faustino

nous sommes tous des cannibales

Ciné en briques