Normandie

"Et pourtant la veille à l’arrivée, je m’étais senti repris par le charme indolent de la vie de bains de mer. Le même lift silencieux (…)

J’avais ressenti du plaisir même à ce que l’ennuyeux premier président fût si pressé de me voir, je voyais, pour le premier jour des vagues, les chaînes de montagne d’azur de la mer, ses glaciers et ses cascades, son élévation et sa majesté négligente – rien qu’à sentir pour la première fois depuis si longtemps, en me lavant les mains, cette odeur spéciale des savons trop parfumés du Grand-Hôtel – laquelle semblant appartenir à la fois au moment présent et au séjour passé, flottait entre eux comme le charme réel d’une vie particulière où l’on ne rentre que pour changer de cravate. Les draps du lit, trop fins, trop légers, trop vastes, impossibles à border, à faire tenir et qui restaient soufflés autour des couvertures en volutes mouvantes m’eussent attristé autrefois. Ils bercèrent seulement sur la rondeur incommode et bombée de leurs voiles, le soleil glorieux et plein d’espérance du premier matin." (d'après Marcel Proust, Au pays des jeunes filles en fleurs)