Parterre de Latone

Le bassin de Latone représente la mère d'Apollon et de Diane, protégeant ses enfants contre les insultes des paysans de Lycie. Pour l'aider, Jupiter transforma les Lyciens en grenouilles et lézards. Sculpté par les frères Marsy, le groupe central fut placé sur une pyramide de marbre. Inspiré des Métamorphoses d'Ovide, il est prolongé par un parterre où sont situés les deux petits bassins des lézards ; il regarde vers le char d'Apollon et le Grand Canal.

Histoire de Latone (d'après les Métamorphoses d'Ovide)

Un soir, Latone devint la maîtresse de Jupiter. Elle conçut avec lui deux enfants : Diane et Apollon. Or, Junon (la femme de Jupiter) était très jalouse. Irritée par le succès de sa rivale, elle lança à sa poursuite le serpent Python pour l'empêcher d'accoucher et décréta qu'aucune terre grecque (île ou presqu'île) ne pourrait accueillir la jeune femme enceinte. Harcelée par le monstrueux Python, Latone fut contrainte à la fuite permanente jusqu'au moment où elle trouva un abri flottant entre terre et mer.

Cet abri était un rocher à peine visible. Oublié par Junon, il était entouré d'une eau noire. On raconte qu'il se découvrit lorsque Latone apparut. Elle se réfugia à son sommet (le mont Cynthe) et Neptune serait alors intervenu en formant une voûte protectrice au-dessus de l'île.

Puis, vinrent toutes les déesses les plus illustres pour assister à l'accouchement : Dioné, Rhéa, Thémis, Amphitrite et les autres Immortelles, à l'exception de Llithyie (déesse de l'enfantement) retenue par Junon sur le mont Olympe. L'accouchement fut difficile ; la douleur ne cessait de croître. Après neuf jours et neuf nuits de supplice, les déesses demandèrent à Iris (la messagère des Dieux) de prévenir néanmoins Llithyie et de lui offrir un collier d'ambre et d'or pour la faire venir. Elle accepta et le premier des jumeaux à naître fut Diane. Selon la tradition, elle aida aussitôt sa mère à mettre au monde son frère, Apollon. Et tous admirèrent sa très grande beauté.

Alors, la terre se couvrit tout entière d'or ; des colonnes surgirent de la mer pour l'ancrer solidement. Et cette île qui n'était pas visible, devint visible et prit le nom de Délos. Elle était fière d'avoir été choisie comme terre d'asile. Les eaux purifiées remercièrent Apollon, Latone et Diane ; elles les chérirent tandis que les cygnes sacrés firent sept fois le tour du rivage en chantant de la plus belle manière qui soit.

Mais, Junon n'arrêta pas pour autant ses tourments. Elle était toujours très en colère et Latone, après avoir enfanté ses jumeaux, dut fuir encore : loin, bien loin de Délos. Elle se rendit en Lycie, région située au sud-ouest de la Turquie (Asie mineure). Epuisée par les fatigues de ce nouveau périple, elle découvrit par hasard un étang, au fond d'une vallée : de l'eau, enfin !

Sur les bords du lac, des paysans ramassaient de l'osier, du jonc et des plantes marines. Attirée par les eaux limpides, Latone décida de se rafraîchir. Elle s'approcha, plis un genou et se pencha sur la rive pour se désaltérer. Mais, sur l'ordre de Junon, les paysans l'en empêchèrent.

- Ne touchez pas à cette eau ! C'est la nôtre, vous n'y avez pas droit.

- Pourquoi, leur dit-elle, m'interdire cette eau ? L'usage en appartient à tous. La nature n'a point voulu que le soleil, l'air et l'eau soient la propriété d'un seul. Je viens ici profiter d'un bien commun. Je vous le demande comme un bienfait. Ma bouche est déshydratée et je peux à peine parler. Cette eau sera pour moi comme un nectar. Permettez-moi de me désaltérer et je dirai partout que je vous dois la vie. Oui, cette eau est la vie ! s'exclama-t-elle. Laissez-vous émouvoir par ces deux enfants encore petits et fragiles. Regardez, ils vous tendent les bras !

Les paysans, insensibles, persistèrent dans leur refus. Ils lui ordonnèrent de s'éloigner et ajoutèrent les insultes aux menaces. Comme si cela ne suffisait pas, ils mirent leurs pieds et leurs mains sales dans l'eau. Puis, par méchanceté, ils remuèrent le fond pour l'agiter et faire remonter une épaisse couche de vase à la surface.

Latone n'avait pas imaginé une telle réaction. Outrée, elle demanda vengeance à Jupiter de l'insolence des paysans de Lycie :

- Puissiez-vous , s'écria-t-elle en les maudissant, rester à jamais dans cet étang !

Immédiatement, ses voeux furent exaucés. Les paysans se jetèrent à l'eau : tous excités. Tantôt ils plongeaient entièrement dans l'eau fraîche, tantôt ils nageaient à la surface, tantôt ils gardaient la tête hors de l'eau. On les voyait, tour à tour, se reposer sur la rive et se lancer à nouveau dans l'eau. Ils se répandaient toujours en invectives. Même sous l'eau, ils s'essayaient sans pudeur à l'outrage. Déjà, leurs voix devenaient rauques. Leurs gorges s'enflaient et se dilataient. Et leurs bouches élargies s'ouvraient pour vomir des insultes. Leurs têtes rentraient dans leurs épaules. Leurs cous disparaissaient. Leurs dos verdissaient. Leurs ventres, qui formaient la plus grosse partie de leurs corps, blanchissaient. Et métamorphosés ainsi en grenouilles, les paysans de Lycie ne quittèrent plus jamais la fange du lac.

A la suite de ces épreuves, les dieux jumeaux restèrent toujours dévoués à leur mère. 

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Grandes Eaux, Versailles

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