"Comme le Soleil est la devise du Roy et que les poètes confondent le Soleil et Apollon, il n'y a rien dans cette superbe maison qui n'ait rapport à cette divinité."

Bassin d'Apollon

Le célèbre ensemble de Tuby s'inspire de la légende d'Apollon, dieu du Soleil et emblème du roi Louis XIV. Il montre le dieu jaillissant des ondes et s'apprêtant à effectuer sa course quotidienne sur son char.

La chute de Phaéton (d'après les Métamorphoses d'Ovide)

Phaéton était le fils du Soleil et de Clymène, une Océanide. Ovide raconte qu'il se querella un jour avec son camarade d'enfance : Épaphos, fils de Jupiter et d'Io. Tous les deux avaient le même âge et le même caractère. Alors qu'il prétendait être le fils du Soleil, Épaphos se moqua de lui et mit sa parole en doute :

- Tu n'es qu'un stupide prétentieux, lui dit-il. Insensé ! Tu te crois d'origine divine parce que ta mère te l'a dit ?

Sous le coup de l'émotion, le jeune homme rougit. Puis, vexé, il alla demandé confirmation auprès de sa mère. Clymène lui assura qu'il était bien le fils du dieu Soleil :

- Je te le confirme, ô mon fils ! Ce soleil que tu contemples, est bien ton père. Si tu ne me crois pas, va lui demander toi-même.

Fou de joie, Phaéton s'empressa de traverser l'Éthiopie et l'Inde pour aller vers l'Est, où son père se levait.

Dans son palais magnifique, Phoebus trônait en majesté. Drapé dans un magnifiqueu de pourpre, il l'accueillit avec bienveillance et le reconnut aussitôt pour fils. Il lui proposa, pour preuve, de lui accorder une faveur :

- Clymène a dit la vérité en te révélant ta naissance. Pour lever tes doutes - dit-il en jurant sur les eaux du Styx - demande-moi un gage de ma tendresse, tu le recevras aussitôt.

Phaéton le prit au mot ; il lui demandé de conduire le char solaire toute une journée. Alors, Phoebus regretta sa promesse inconsidérée. Par trois fois, il cherche à l'en dissuader mais en vain. L'insensé Phaéton brûlait du désir de monter sur le char de son père. Il s'entêta et persista dans sa résolution.

- Elle est grande, ô mon fils, la tâche à laquelle tu aspires. Elle ne convient ni à tes forces ni à ta jeunesse. Ta destinée est celle d'un homme et ton souhait celui d'un dieu. Que dis-je ?... Les dieux eux-mêmes n'oseraient s'asseoir sur le char qui répand la lumière. Tu l'ignores peut-être mais Jupiter, le maître de l'Olympe, ne saurait le conduire.

Apollon résista autant qu'il pût. Mais le jour attendu arrivait et il dut céder à cause de son serment. Alors, il conduisit son fils jusqu'au char solaire (cadeau de Vulcain). Le véhicule était d'or et d'argent, monté sur deux roues et décoré de pierres précieuses. Tandis que Phaéton l'admirait dans tous ces détails, l'Aurore ouvrait les portes resplendissantes de l'Orient. Lorsque le soleil, en brillant, dépassa l'horizon, Apollon commanda aux déesses des Heures rapides d'atteler ses quatre coursiers puis remit, à contrecoeur, les rênes du quadrige solaire à son fils. Il répandit sur son  front, quelques gouttes d'une essence divine, pour le protéger des flammes et couronna sa tête de rayons. Essayant de chasser ses mauvais pressentiments, il redoubla de conseils :

- Si tu daignes encore m'écouter, ô mon fils, fais plus souvent usage des rênes que du fouet. Mes coursiers accélèrent d'eux-mêmes ; la difficulté consiste à modérer leurs efforts. N'oublie pas non plus comment se forme la voie lactée, par quelle cause elle se forme et comment elle est. Garde-toi de suivre la ligne droite qui traverse les cinq constellations du Taureau, du Sagittaire, du Lion, du Scorpion et du Cancer. Un autre sentier trace une courbe longue et oblique à travers les trois zones médianes. Fuis le pôle sud ainsi que celui de la Grande Ourse et reste dans ce sentier ; tu y trouveras encore l'empreinte visible de mes roues. Mais afin de dispenser une égale chaleur au ciel et à la terre, évite d'aller ni trop haut ni trop bas. Le milieu est encore le chemin le plus sûr. Il est temps, maintenant. Puisse la chance veiller sur toi !

Excité, Phaéton se précipita vers le char. Il y prit place, mais commença par fouetter les chevaux. Comme il ne savait pas bien manier les rênes et qu'il était incapable de diriger fermement les coursiers, sans provoquer de soubresauts, il fut entraîner par des bêtes animées d'une grande impétuosité. Agités, les coursiers du Soleil se mirent à hennir et à ruer avec tant d'énergie qu'ils cassèrent les barrières qui les retenaient. Ils prirent leur envol. Leurs pattes fendirent les nuages qui s'opposaient à leur passage tant et si bien qu'ils devancèrent les vents partis en même temps qu'eux.

Mais le char était léger. Les chevaux sentirent qu'il n'avait pas son poids habituel et s'emballèrent. Errant d'abord dans le ciel, ils l'embrasèrent. Puis, ils abandonnèrent la voie lactée. Paniqué, Phaéton ne savait plus de quel côté se tourner. Quel chemin suivre ? Comment maîtriser les chevaux ? Du haut des airs, il vit la terre disparaître au loin. Il pâlit ; ses genoux tremblaient d'une terreur nouvelle et ses eaux s'assombrirent. Oh, qu'il voudrait n'avoir jamais touché à ces rênes ! Qu'il regrettait de connaître son origine et d'avoir triomphé par son entêtement !

L'infortuné Phaéton était emporté comme un bateau ivre : sans maître et chahuté par les flots. Derrière lui, un espace immense. Devant lui, un espace plus grand encore. Sa pensée les mesurait l'un et l'autre. Tantôt son regard se tournait vers l'Ouest, tantôt vers l'Est : quelle route choisir ? Il l'ignorait et resté paralysé de peur. Il gardait les rênes en main mais ne pouvait plus commander aux chevaux dont il avait oublié les noms. Ainsi que son père le lui avait prédit, il croisait ça et là, dans le ciel, des figures d'animaux monstrueux, dont le Scorpion au noir venin qui acheva de le terroriser. À sa vue, il sentit tout son corps se glacer d'effroi ; sa main lâcha les rênes et les chevaux galopèrent en tous sens, entraînant le char à travers des immensités effrayantes. Tantôt, ils montaient au plus haut des cieux, tantôt ils s'approchaient trop près de la terre. La Lune ne comprenait pas ce qui se passait ; elle s'étonnait de voir le char de son frère descendre, dans sa course, au-dessous du sien. Les nuages embrasés disparaissaient en fumée.

Phaéton vit l'univers en proie aux flammes. De grandes villes s'écroulaient avec leurs murailles. Des pays entiers et leurs habitants furent transformés en tas de cendres. Les forêts se consumaient... Tout brûlait : l'Etna, le mont Parnasse, l'Olympe, les Alpes, les Apennins, la chaîne du Caucase... Phaéton respirait plus qu'une vapeur brûlante et ne pouvait plus supporter la fournaise. Où allait-il ? Où était-il ? Il ne pouvait le découvrir et se laissait emporter au gré de ses fougueux coursiers. Déjà le char solaire commençait à s'échauffer et blanchir à l'épreuve du feu. Il était enveloppé d'une épaisse fumée ; des cendres et des étincelles volaient autour de lui. Ce fut alors, dit-on, que les Éthiopiens (Africains) devinrent noirs et que le Nil épouvanté s'enfuit aux confins du monde, dérobant sa source à nos yeux.

Les rivières desséchées s'exhalaient dans les airs. Le même incendie mit à sec le Gange, le Niger, l'Euphrate, le Danube, le Rhin, le Rhône et le Tibre lui-même auquel les Dieux avaient promis l'Empire du monde. Partout, la terre se fendait. Elle était sillonnée de fissures et crevasses, au travers desquelles la lumière pénétrait jusqu'aux Enfers, épouvantant le Maître des morts et sa compagne. L'Océan se réchauffait ; son niveau baissait dévoilant de nouvelles îles. Les poissons se réfugiaient au fond des abîmes. Les dauphins n'osaient même plus jouer avec les vagues. Les phoques, vaincus par la chaleur, flottaient sans vie à la surface de l'eau. Par trois fois, Neptune éleva son trident essayant de braver les feux du Ciel ardent ; par trois fois, il suffoqua et dut replonger dans les flots.

Alors que la Terre s'affaissait, Jupiter tonna. Irrité, il foudroya l'imprudent Phaéton lui ôtant du même coup, le char et la vie. de ses feux célestes, il éteignit ceux qui dévoraient l'Univers. Phaéton, dont le feu dévorait la chevelure blonde, entraîna dans sa chute les débris du char qui volaient en éclats. Ici, le joug ; là l'essieu arraché au timon ; plus loin, les roues fracassées. Il laissa, dans son sillage, une trace brillante semblable à celle d'une étoile filante et tomba dans le delta du Pô.

S'il faut en croire la légende, les naïades recueillirent ses restes inanimés et gravèrent ces mots sur sa tombe : "ici gît Phaéton, qui guida le char de son père. Comme il ne put le maîtriser, sa très grande témérité le perdit."

Mots croisés

Grandes Eaux, Versailles

Grandes Eaux from Nathalie Ruaux on Vimeo.