"On mourra de dégoût si l'on ne prend pas, de-ci de-là, un grand bain d'azur." (Théodore de Banville)

Marseille

"Marseille, à dire vrai, on ne peut l’aimer qu’ainsi, en arrivant par la mer. Au petit matin. A cette heure où le soleil, surgissant derrière le massif de Marseilleveyre, embrase ses collines et redonne du rose à ses vieilles pierres.

On voit alors Marseille comme Protis le Phocéen la découvrit, il y a deux mille six cents ans. Et qu’importe si c’est exagéré de dire ça. Marseille exagère, toujours. C’est son fond. Et, dans le fond, rien n’a changé depuis ce jour-là.

Il suffit simplement d’arriver de Corse, en ferry, pour renouer avec cette histoire. Ou, plus simplement encore, de revenir d’une nuit de pêche au large de l’Estaque. Quand la rade vous ouvre ses bras, alors, alors seulement, on découvre le sens, éternel, de cette ville. L’accueil. Car Marseille est faite d’ailleurs, d’exils, et elle se donne sans résistance à ceux qui savent la prendre, l’aimer. Ici, on est chez soi. D’où que l’on vienne. Et personne, jamais, ne vous demandera d’où vous arrivez, exception faite des flics, la nuit, sur le cours Belsunce où l’on rénove à tour de bras, dans les rues autour de la place de l’Opéra, et sur le cours Julien où s’est déplacée la vie nocturne (…) C’est seulement en marchant, en flânant dans cette ville que l’on prend conscience que l’on n’arrête pas de monter, de descendre, de remonter (…)

Traîner dans le Panier, c’est sentir le vieux cœur de Marseille palpiter. Un cœur qui parle les langues du monde, les langues de l’exil. Ce n’est sans doute pas un hasard si Pierre Puget, architecte, peintre trop méconnu, a édifié le plus beau bâtiment de cette ville : la Charité (la vieille Charité, disent les Marseillais). Par amour de son quartier natal. Sans doute est-ce pour cela que ce quartier résiste à la rénovation, qu’il se refuse à devenir le Montmartre de Marseille qu’on lui avait assigné d’être. Le quartier s’embellit, certes. Et tout le monde s’en réjouit. Mais, inconsciemment, ceux qui l’habitent veulent prolonger sa longue histoire. « Ca a toujours été comme ça », vous expliquera-t-on dans n’importe quel café. Celui des Treize coins, par exemple. Et d’ajouter, au cas où vous n’auriez pas compris : « On n’est pas bien comme ça, mon beau ? » (d'après Jean-Claude Izzo)